C'est d'ici
Poésie du mal
Bonjour et bienvenue !
Je m’appelle Daniel Viragh et je suis poète, auteur, compositeur et interprète. J’habite à Vancouver et j’écris en français et en anglais.
Je vous souhaite la bienvenue aux ondes de la Poésie du mal — poésie visant à nous rassembler en une communauté littéraire, ainsi que spirituelle autour des valeurs communes de l’introspection, de l’amitié et du respect des cultures.
Je vous invite à nous rendre visite par l’entremise de notre site web, poesiedumal.com, ou vous pourrez d’ailleurs aussi nous envoyer un ou des messages, avec vos suggestions et vos commentaires.
Aujourd’hui on va parler de voyage, et surtout, des choses que l’on apprend quand on quitte notre terre d’origine, pour essayer de se retrouver ailleurs.
Le premier poème s’intitule «C’est d’ici» et il est tiré de mon livre «Règles de survie», qui sortira prochainement aux Éditions franco-colombiennes.
C'est d'ici
C'est d'ici que je suis parti
c'est ici que j'ai souffert
c'est ici que j'ai rempli
mon cartable avec du sel et de la pierre.
C'est ici que je suis revenu
c'est ici que je me suis guéri
c'est ici que tu m'as cru
parmi les gens de ton brave pays.
c'est ici que je me suis ensevelis
dans mon sac, en-dessous de ma poubelle;
c'est ici que le monde s'est tu
quand tes D'Artagnans étaient près de la poudrière.
c'est ici que je me suis battu
c'est ici que j'ai gagné
c'est ici même que j'ai perdu
mon âme et mon socle de pierre
C'est ici que je me suis déconstruit
c'est ici que j'ai failli me tromper
c'est ici que j'ai pensé m'anéantir
pour la dernière fois.
C'est ici que j'ai eu du courage,
c'est ici que je vaincu l'orage,
c'est ici que je me suis souvenu, outre mon âge,
de qui j'étais, et de qui je suis.
C'est ici.
Le second poème — lui aussi tiré de «Règles de survie» — nous parle de ce qui arrive quand on n’a plus où se réfugier. Il s’intitule «Visite guidée».
Visite guidée
Je n'ai plus de royaume, ni de terre;
ni de plume, ni de mère.
Je ne peux plus gonfler
ces poumons, qui jadis venaient
m'animer.
Je n'ai plus de feu; j'ai les yeux
clairs; personne ne me vend,
sa part entière;
espérons que l'on pourra
creuser un trou assez moribond,
pour me soulager.
Je ne veux ni enjeu,
et je ne fais pas marche arrière;
cessez dès lors, vos vieilles prières
si elles allaient bien me servir,
il fallait prendre le temps,
de les redire.
Ce que j'ai, par contre,
c'est un éclair, une maison à
vendre aux enchères,
mais attention, c'est une «maison» :
pas de briques,
y a pas de terrain de jeu,
ma maison, c'est un
sanctuaire —
dans le temps, infini
et solitaire — c'est au crépuscule
qu'on vient la visiter, ma maison —
à la tombée des siècles et des
tendres années.
On y prononce nos voeux,
on y lit nos misères,
on y raconte les maux,
de ces infortunés sur Terre;
on y jette nos creux et on
y égorge nos mammifères;
y a rien de plus beau, que
de s'y taire,
On y vient nombreux, on écoute
et on digère, ce que dit le voisin,
ou le rabbin, ou bien le prêtre
célibataire; on y annonce les
décès, les noms des brues
et des terres,
que l'on a mises en vente, près de la
salpetière.
Bref, dans ma maison,
y a ni jeu, ni soupe, ni
cuillère, mais on y trouve de tout,
même une prière.
***
Merci bien d’avoir écouté cet épisode du podcast «Poésie du mal». On se retrouve la prochaine fois et entre-temps, je vous invite à lire, écrire et partager vos propres poèmes. Au revoir.